Un tout récent rapport du Centre d'Analyses stratégiques estime qu'en France, le marché du travail des docteurs est déséquilibré. En effet, selon le rapport, le chômage des docteurs en France n'est pas lié à une « surproduction » globale de diplômés par rapport aux autres pays de l'OCDE, mais le sous-investissement en recherche-développement et la préférence pour les ingénieurs pèsent sur l'insertion en entreprise des docteurs.
Aujourd'hui, l'insertion des diplômés en France augmente avec le niveau de formation, il existe depuis le début des années 2000 une césure au niveau du diplôme le plus élevé de la formation universitaire.
Si en 2007, les jeunes diplômés de niveau Master ont un taux de chômage de 7 %, celui des titulaires d'un doctorat culmine à 10 %. Pourtant, les docteurs constituent une ressource humaine essentielle dans le secteur de la recherche, donc un élément de compétitivité croissant dans les économies de la connaissance.
 |
En France, le marché du travail des docteurs est déséquilibré, une situation liée notamment au sous-investissement dans le secteur de la recherche-développement. |
L'augmentation du taux de chômage épargne toutefois les docteurs bénéficiant, durant la préparation de leur diplôme, de financements telles l'allocation de recherche (intégrée en 2010 au contrat doctoral) et les conventions CIFRE. Trois facteurs expliqueraient cette performance :
-
1) l'allocation de recherche comme les conventions CIFRE permettent au jeune doctorant de se consacrer pleinement à la préparation de sa thèse, favorisant ainsi sa réussite au diplôme ;
-
2) les deux financements font l'objet d'une forte sélection. Dans le cas des CIFRE, il s'agit bien d'un contrat de travail conclu entre un doctorant et une entreprise et engageant un laboratoire de recherche public. Il suppose donc d'avoir satisfait aux critères de recrutement des employeurs (principalement des entreprises) ;
-
3) la période pendant laquelle le doctorant perçoit l'allocation de recherche (avec un statut de salarié et une protection sociale) est, comme les CIFRE, considérée comme une expérience professionnelle de trois ans, bien valorisée sur le marché du travail.
Par ailleurs, l'analyse des salaires médians montre qu'une césure entre Bac + 5 et Bac + 8 existe également s'agissant des gains salariaux : s'il y a un gain par rapport aux Masters, les doctorants (sauf ceux qui ont bénéficié d'une allocation de recherche ou d'une convention CIFRE) sont moins bien rémunérés que les ingénieurs.
Au total, par rapport au Master, le doctorat ne semble pas constituer un avantage significatif, même pour les ingénieurs ayant préparé une thèse, peut on lire dans le rapport de veille.
En France, la question des difficultés d'insertion des docteurs n'est pas nouvelle. Face à la croissance du nombre de diplômés et au ralentissement des recrutements dans le secteur public, notamment durant les années 1970, les pouvoirs publics ont cherché à améliorer l'insertion des docteurs en entreprise, notamment avec l'instauration des conventions CIFRE.
La création de l'Association Bernard Gregory (ABG) en 1980 a constitué l'aboutissement de plusieurs initiatives allant dans ce sens. Le début des années 1990 fut également difficile : face à une forte croissance du nombre de thèses (plus de 56 % entre 1990 et 1994), le nombre de postes dans le secteur public était insuffisant tandis que les recrutements dans les entreprises enregistraient une baisse importante.
En attendant, le Centre d'analyse stratégique emet 5 propositions, pour une meilleure régulation de l'offre de formation doctorale et un renforcement de l'accompagnement des docteurs.
Proposition n° 1 : Améliorer l'information des établissements et des étudiants, notamment en associant davantage les acteurs privés à la production de données régulières, par disciplines, sur les besoins de recrutements et sur l'insertion professionnelle des docteurs.
Proposition n° 2 : Réaffirmer le rôle central des Pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) dans la coordination et la régulation de l'offre de formation doctorale, notamment en favorisant le transfert au PRES de la compétence de délivrance des diplômes et des moyens de financement des contrats doctoraux.
Proposition n° 3 : Associer davantage les grandes écoles aux formations doctorales, pour permettre à davantage d'ingénieurs de préparer un doctorat.
Proposition n° 4 : Améliorer la proportion de thèses financées, notamment par les entreprises : d'une part, en fixant un objectif aux universités dans le cadre de leur contractualisation avec l'État ; d'autre part, en imaginant un dispositif permettant à une entreprise de financer une thèse en contrepartie d'un engagement du doctorant à demeurer quelques années dans l'entreprise après son embauche.
Proposition n°5 : Reconnaître le doctorat dans les conventions collectives, notamment les grilles salariales.